Parce que je le vaux bien (bis)
Les gens s'agglutinent devant les panneaux d'affichage pour être aux premières loges d'une révolution éventuelle dans l'ordre d'arrivée et de départ des trains. Une caricature de famille non loin de moi s'est installée dans ses quartiers. D'énormes valises forment un rempart protecteur à l'intérieur duquel évoluent bruyamment trois ou quatre enfants, le père maigrichon, la mère imposante et la grand-mère, ancienne matriarche déchue.
Un des enfants essaie depuis un moment d'attirer l'attention de la mère qui est totalement obnubilée par ce qu'elle tient tendrement dans les bras : un jeune cocker blond aux oreilles ondulées maternellement lissées par la main caressante de la femme. L'animal prince-qu'on-sort-les-jours-de-beaux-temps ne daigne pas baisser le regard sur l'enfant qui, désespérant d'exister aux yeux de sa mère par la voie normale, choisit de s'occuper lui aussi du chien et de lui caresser les pattes qui sont à peu près à la hauteur de son visage.
Le regard limpide du chien croise le mien, en revanche. Et à ma question muette, je peux y lire sans l'ombre d'un doute cette arrogante réponse empruntée à ses frères humains : "parce que je le vaux bien."