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366 lieues sous les mers
9 juin 2014

ATELIER - Les toilettes

L'endroit est saturé de monde. Il leur faut environ une demi-douzaine d'heures pour se frayer un chemin jusqu'au bar, pour une Tequila bien méritée. Le temps d'y arriver, la Tequila est déjà en rupture de stock.

Leur petit groupe se compose: d'une danseuse invétérée, d'un râleur magnifique, d'un fêtard désinhibé, d'une rêveuse décalée, et d'un intello chasseur. Aussi joyeux que les Sept Nains, la barbe en moins (sauf pour un).  Rêveuse se met en mode radar et scanne la pièce. Les femmes lui semblent chics. Elles ont une peau dénuée de toute imperfection (Rêveuse ne peut s'empêcher de penser à la série Real Humans), des couleurs tellement jolies qu'on les dirait presque pas fausses, des talons vertigineux sur lesquels elles semblent marcher sans effort, et des robes dont la variété n'a d'égale que les robes des félins dans le parc du Kalahari. Elles font toutes 1,80 m, ont des silhouettes à faire pâlir Claudia Schiffer, et se balancent aux bras d'hommes tout droit sortis d'une pub pour Mattel.  Rêveuse, du bout de ses escarpins noirs au talon raisonnable, leur arrive à peine aux épaules, et sa robe noire lui semble d'une simplicité navrante.

Elle part pleurer aux toilettes.

Un caquètement lui parvient trois kilomètres avant d'arriver à la porte que le videur lui a indiquée comme étant les WC pour femmes. Elle pousse la porte courageusement, et pense avoir confondu avec le vestiaire, tant l'étalage de vêtements et de chair remplit la vue. Le bruit des chasses d'eau lui confirme qu'elle ne s'est pas trompée. Les intonations vulgaires de deux géantes à chewing-gum la font sursauter à sa gauche, tandis qu'à sa droite, une femme a enlevé ses Louboutin et masse ses pieds déformés. Sous la lumière crue des plafonniers, les coiffures sophistiquées se défont, et les couleurs chatoyantes et artificielles paraissent ternes. Les chaussures disparaissent pour laisser place à des pansements, des tonnes de pansements, dans des endroits insoupçonnés, ils couvrent les pieds, et c'est un festival d'oignons qui se déroule dans cet endroit clos aux odeurs douteuses. Rêveuse se demande d'où vient cette odeur tenace, et comprend que l'exubérance des robes n'est permise que par l'utilisation massive de polyester et de stretch, qui ne vieillit pas aussi bien que le coton au fil de la soirée. Quelques femmes remaquillent leurs cratères dans les miroirs au-dessus des lavabos. Les silhouettes fines ont disparu pour laisser place à des culottes gainées et des bourrelets dépassant de collants amincissants.

Rêveuse se dépêche de se laver les mains et de sortir de ce musée des horreurs. Elle a l'impression d'avoir assisté à une pièce de théâtre puis d'en avoir découvert les coulisses. Si la boîte de nuit, qui n'a finalement de chic que le nom, représente le Bal, les toilettes pour femmes sont clairement la citrouille de Cendrillon après les douze coups de minuits.

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Commentaires
C
Et le pire, mon cher, c'est que tout est vrai. A vous en couper l'envie de faire pipi!
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S
Bravo, j'aime beaucoup..une autre façon de voir les toilettes...mais encore plus nauséabonde finalement.
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