ATELIER - Les toilettes selon Stan.
21h30. Le repas a pris beaucoup de retard. Les discours vides, sans intérêt, les photos convenues, les sourires de circonstances...tout cela nous a fait commencer bien tard. Je n'ai qu'une seule envie. Qu'une seule pensée...Où sont les toilettes ? Personne n'ose bouger, personne ne veut faire croire qu'il oserait rater une miette des bons mots du trio de vainqueurs qui organisent ce repas pour remercier les cadres méritants de notre belle entreprise. Cadres méritants à l'esprit étriqué dont je fais partie..enfin moi j'ai pas l'esprit étriqué, je suis bien le seul d'ailleurs. Même Jacques qui se tortille sur sa chaise, blanc comme un linge, je suis sur qu'il irait bien aux toilettes mais il n'ose pas...non non il n'a pas l'esprit moins étriqué, bien au contraire, mais il a l'air d'avoir sacrément besoin de se soulager mais bon, on ne va pas aux toilettes, comme cela, impunément pendant les bons mots des boss. Tout cela fait que je n'ai pas repéré la direction de ce lieu si précieux qui me permettra de m'isoler pour satisfaire cette envie folle et qui m'empêche de retenir les phrases d'anthologie des boss pour en parler, admiratif, demain à la machine à café. Tant pis, j'y vais, j'ai trop envie de te parler...finalement les toilettes sont bien indiquées, j'y arrive sans encombre. Enfin seul. Je te connais depuis peu, notre relation démarre, mais je suis fou de tes yeux, de ta voix, de ton corps, tu me manques dès que tu t'éloignes de plus d'un mètre. 07.89......je compose ton numéro....mon coeur pas plus fort....enfin je vais t'entendre, te parler...te dire combien l'insondable vide dans lequel je suis plongé se rapproche de l'infini parce que tu n'es pas là...je m'apprête à te dire tout cela exactement au moment où tu as décroché et que qulequ'un rentre dans les toilettes d'à côté. Qui a osé braver l'interdit ? Pourquoi a-t-il choisi les toilettes juste à côté des miennes pour claquer la porte de façon tonitruante puis,une fois ce premier effet sonore à peine dissiper d'émettre un rot d'une puissance tellurique...allo...Sophie ? tu m'entends ? Je suis où ? Ben je te l'ai dit...et à ce moment là comme venu du fond d'une caverne des plus caverneuses, un bruit, une détonation, un coup de tonnerre, une explosion...l'utilisateur des toilettes séparées des miennes pas une cloison qui a dû être conçue pas Riz Lacroix pète de tout son soûl et pousse un soupir de satisfaction digne des coïts élus plus gros soupirs de satisfaction des coïts au grammy awards des coïts! Sophie? Sophie ? Tu es là ? Où je suis ? Ben je te l'ai dit, au repas des...et à ce moment là comme si le précédent pet de mon voisin n'était qu'un préambule au concert conjoint des Tambours du Bronx et des percussions de Strasbourg, un festival de sonorités pétaradantes ponctués par un hommage aux bombes tombées par erreur dans la mer lors du débarquement de 1944 occupent l'espace sonore des toilettes où je pensais une fois de plus déclarer ma flamme incandescente à Sophie...Sophie...allo Sophie ? Où je suis ??? Ben je te l'ai dit...Bip Bip..Sophie ? Tu es là ? Bip Bip...Il ne me reste plus qu'à rejoindre l'assemblée en délire que j'avais abandonnée pour quelques minutes de bonheur avec Sophie...Ah Jacques salut...Ça va mieux ?