366 - chemin de traverse
Le champagne selon l'expression consacrée coulait à flots. Les plats se suivaient sans discontinuer, deux cuisinières de génie avaient passé des heures à les élaborer. Tout était bon, tout était d'une exquise finesse, les participants joyeux et aimés ou appréciés de chacun, les hôtes attentifs à ce que quiconque ne manque de rien. Les verres toujours remplis d'excellents vins issus des plus grands chais. Côtillons, voix fortes et appuyées cris cadeaux, éclats de rire, sourires éternels, beauté, le visage des enfants émus et rougis de bonheur devant leurs paquets en si grand nombre, les yeux brillants de plaisir. Quelle belle soirée, quelle nuit magnifique.
Alors d'où vient cette petite angoisse qui m'étreint chaque année à la même date, d'où vient ce vide qui tenaille mon coeur, pourquoi cette blessure revient elle encore malgré les années passées, pourquoi ce mal insidieux cette douleur persistante, alors que le seul spectacle qui s'offre à moi devrait me remplir de bonheur pour les mois à venir. Je ne savais pas, toi non plus tu ne savais pas, nous ne savions pas qu'un jour, une seule personne, cette personne, pouvait faire ressentir son absence à ce point. Pourtant, pourtant, elle était là, et nous pourrions décrire le moindre de ses faits et gestes durant cette si belle soirée, déjà dix fois répétée.
Le temps s'est arrêté.